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Les ennemies des mes ennemies, sont mes amis, même si'ls sont des ennemies de son propre peuple. |
Alors que de nombreuses associations avaient appelé à battre le pavé pour manifester contre la guerre en Irak, personne n'ose se mobiliser contre les régimes iranien, syrien et certaines dictatures africaines subsahariennes. Pourquoi?
Il n'y a pas très longtemps de cela. C'était en 2003. A l'appel d'un large éventail d'organisations -
altermondialistes,
pacifistes,
anti-impérialistes - toutes les grandes villes des deux côtés de l'Atlantique, quelques autres aussi, voyaient descendre régulièrement dans la rue des millions de manifestants qui s'indignaient de la «
guerre de Bush » contre
Saddam Hussein. Une guerre « pour le pétrole», pour faire court.
Répudier la guerre d'Irak, voire la diaboliser comme le fit Michael Moore dans Fahrenheit 9/11, était une question de morale. Quitte pour cela à faire fi des souffrances, ou plutôt du martyre provoqué par un despote qui avait gazé une partie de son peuple, déclaré la guerre à un Etat voisin et envahi un autre, pratiqué, enfin, des tortures insupportables et des assassinats sordides, et qui, à cause de ses exactions, aurait dû être poursuivi et chassé du pouvoir par la
communauté internationale. Mais voilà que se réjouir du renversement de Saddam aurait donné l'impression d'approuver la guerre de Bush, ce qui aurait été inadmissible pour les
indignés du moment.
Comme il leur aurait été inadmissible, aussi, de faire montre de solidarité envers les
Cubains soumis à la férule du régime castriste depuis cinq décennies. Que les
dissidents de l'île rouge passent de
longues années en prison dans des conditions exécrables, qu'ils sortent de leurs geôles pour prendre le chemin d'un
exil forcé, ou pour se faire tabasser dans la rue par des barbouzes, ou pour faire l'objet d'arrestations de courte durée à répétition, cela n'émeut pas les bonnes consciences. Et pour cause : protester contre le
régime des frères Castro équivaudrait à faire le jeu des Ricains.
On ferait également le jeu des
Etats-Unis, paraît-il, si l'on s'insurgeait avec force contre la répression systématique perpétrée par
Beijing sur les
Tibétains, les
Ouighours et les combattants des
droits humains. Le sort de tous ces gens opprimés en
Chine se voit passer au compte de pertes et profits de nos protestataires, car
le pouvoir chinois a le mérite non négligeable de tenir tête économiquement à l'hyperpuissance américaine.
C'est pour des raisons semblables, pour ne pas aller dans le sens de
l'Amérique, que les indignés professionnels n'ont pas organisé une seule manifestation de soutien à ceux qui, depuis 2009 en
Iran, et maintenant en
Syrie, réclament démocratie et liberté au prix de leurs vies.
Logique : comment pourrait-on se rallier à la cause de gens qui ne brûlent pas des effigies de l'Oncle Sam ni des drapeaux israéliens et, pis encore, qui commettent l'affront insupportable, en particulier à Téhéran et à Bengazi, de faire appel à l'aide de l'Occident en général et des Etats-Unis en particulier ?
Manque de chance : l'un des pays du monde arabe qui n'a pas été le théâtre de grandes manifestations contre le pouvoir en place est précisément celui que les professionnels de l'indignation auraient le plus souhaité voir se joindre au mouvement de contestation, c'est-à-dire l'Irak. Histoire de prouver l'inefficacité de la guerre contre Saddam. Or, si la violence sectaire continue à s'y produire - moins que par le passé tout de même - le peuple, lui, n'a pas la motivation pour protester massivement dans la rue. Et pour cause : après le renversement de Saddam, il peut s'exprimer dans les urnes.
L'Afrique subsaharienne n'offre pas, elle non plus, un créneau propice aux indignés. Pourquoi se mettraient-ils à dénoncer
l'interminable tyrannie qui détruit le
Zimbabwe, alors que son leader suprême,
Robert Mugabe, a une place de choix dans le club des anti-occidentaux ? En quel honneur, d'autre part, les indignés auraient-ils réclamé le respect de la volonté populaire en
Côte d'Ivoire, alors que cela impliquait le départ d'un « anti-impérialiste »,
Laurent Gbagbo, au profit d'un
Alassane Ouattara choisi par le peuple mais portant le stigmate, aux yeux des indignés, d'avoir travaillé au
Fonds monétaire international ?
Remontons enfin vers le Nord, pour rejoindre la foule qui, plusieurs jours durant, avait campé sur la
Puerta del Sol à Madrid. Or, cette foule a-t-elle eu un impact sur
l'électorat espagnol ? Sans doute, mais pas en tout cas l'impact escompté : lors des élections municipales et régionales qui eurent lieu au moment de la prise de la Puerta del Sol, c'est le centre-droit qui l'emporta.
Décidément, les peuples ont des priorités, et des soucis, différents de ceux que les
professionnels de l'indignation ne cessent d’invoquer.
Fabio Rafael Fiallo
Source:
Atlantico