mardi 29 mars 2011

La guerre d'Internet à Cuba : la révolte est-elle possible?


À Cuba, la guerre fait rage sur Internet entre opposants et partisans du régime communiste. Quelle en sera l'issue? Comment réagissent les autorités?

Sous la présidence de Raul Castro – le frère cadet de Fidel Castro – depuis février 2008, Cuba c'est plus de 11 millions d'habitants répartis sur 110 000 km², dont plus de 2,4 millions au sein de la capitale, La Havane. Depuis la crise économique des années 1990, l'île communiste s'est considérablement appauvrie, et connaît aujourd'hui de profondes inégalités sociales. Selon le site du routard, le salaire mensuel moyen est d'environ 13 euros, soit 18 pesos cubains (CUC).

Formellement instauré depuis 1965, le régime cubain voit plus que jamais son pays divisé entre opposants – les anticastristes – et partisans du pouvoir. Internet et les réseaux sociaux, au cœur des manifestations révolutionnaires au Moyen-Orient, sont aujourd'hui l'apanage de leurs revendications.

Blogueurs pro-régime et anticastristes bataillent sur Internet

C'est une véritable guerre que se livrent les blogueurs pro-régime et anticastristes sur la toile, rapporte Isabel Sanchez de l'AFP. Une bataille virtuelle qui s'intensifie depuis les derniers événements survenus au Moyen-Orient et au Maghreb. Parmi les sites les plus influents, le site pro-régime Cubadebate.cu qui a lancé son portail en anglais et totalise à ce jour plus de 100 000 abonnés sur son compte Twitter ; et l'opposant Desdecuba.com de Yoani Sanchez, baptisé «Génération Y» et lancé en 2007. Ce dernier est disponible en 20 langues, dont un français approximatif.

À coups d'articles et de vidéos dénonciateurs, les deux camps se renvoient la balle et, à tour de rôle, fustigent les prises de position de leurs adversaires. Ainsi, pour les opposants au régime, les partisans se comportent comme des policías cibernéticas (cyberpolice) tandis que pour ces derniers, les opposants ne représentent ni plus ni moins que des mercenarios virtuales (cybermercenaires) manipulés par leur ennemi de toujours, les États-Unis (1).

Des réseaux d'information rudimentaires et censurés à Cuba

 

Si la cyberguerre est attentivement suivie de l'extérieur, elle l'est moins au cœur du pays où, selon une étude menée par Reuters, seuls 1,6 million de Cubains auraient accès à Internet, du fait de l'embargo américain – soit 7% de la population. De plus, la censure exercée sur Internet par les autorités est telle que Reporters Sans Frontières et Freedom House qualifient Cuba d'«ennemi d'Internet», au même titre que la Birmanie, la Chine, l'Iran et la Syrie. S'ajoute à cela la mainmise des autorités sur toute autre forme de médias, qu'elle soit écrite ou audiovisuelle.

Bon gré mal gré, des anticastristes ont appelé à manifester sur la plus grande place de la capitale le 22 février 2011, à l'image des manifestations qui ébranlent le monde arabe. Un appel lancé via Facebook et Twitter qui n'aurait apparemment réuni personne, ne manquant pas d'amuser les pro-gouvernementaux qui n'ont pas tardé à titrer, en long et en large sur leurs sites : «Mission impossible» (2).

Une révolte comme au Moyen-Orient est-elle possible à Cuba ?

 

Une révolte semblable au Moyen-Orient est-elle envisageable à Cuba ? Des opposants blogueurs y ont cru, en vain contre la censure. À cette question, de nombreux analystes ont répondu avec scepticisme, tendant à penser, comme le souligne le sociologue cubain Luis Suarez, que «la comparaison ne tient pas la route». En effet, à Jean-Hervé Deiller de l'Agence France-Presse, un spécialiste économique explique notamment que «chômage et corruption ne sont pas perçus de la même manière à Cuba que dans le monde arabe et ne soulèvent pas l'indignation populaire» (témoignages relayés sur Cyberpresse.ca).

Néanmoins, tous s'accordent à reconnaître qu'en cas de soulèvement «spontané», il n'existe à Cuba aucune opposition organisée «capable de canaliser les mécontentements». Les mesures prises par le gouvernement seraient alors radicales : organiser l'émigration massive des opposants vers les États-Unis, comme il en a souvent été le cas, notamment en 1994.

Yoani Sanchez, figure anticastriste de l'Internet

 

Le blog «Génération Y» de Yoani Sanchez, 35 ans, est mondialement connu. Fort de ses critiques envers le gouvernement cubain, le travail de la jeune femme lui a valu, en 2008, d'être citée comme l'une des 100 personnes les plus influentes au monde selon le Time ; et d'être la même année récompensée par le prix Ortega y Gasset – récompense pour le meilleur journaliste défendeur de la liberté d'expression sur Internet. Invitée à la cérémonie par l'Espagne, les autorités cubaines lui ont cependant refusé le visa nécessaire.

Maurice Bourdon

Source: Suite101

Notes:

(1) Lire articles de presse espagnols traduits La lógica torcida del policía cibernético et El castrimo comienza a temer a los «mercenarios virtuales».
(2) Lire article de presse espagnol traduit Es improbable que se reediten...


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